mardi 19 mars 2013

ANTARSYA : des pas en avant maintenant, avec ardeur pour le saut dans le futur.





Article paru dans PRIN, le journal du Nouveau Courant de Gauche (NAR), composante principale d'ANTARSYA. L'article est en ligne sur le site du NAR.

Du même auteur, un article de septembre 2012 publié sur Europe Solidaire au sujet de Syriza et de l'Euro


10.03.2013

Au milieu de la crise capitaliste profonde, et avec la Grèce devenue Zone Economique Spéciale de surexploitation, même si ANTARSYA n’existait pas, il faudrait la créer.

L’absence de politique de renversement du système à gauche est ahurissante, alors que le peuple gémit sous la botte de la Sainte Alliance du capital (local et étranger), UE, FMI, avec pour exécutant la troïka gouvernementale de l’intérieur et la troïka de l’extérieur. Syriza recherche un bon Caramanlis des années 70, après avoir découvert un bon PASOK. A l’aide de matériaux toxiques provenant de la naissance du bipartisme, elle se pare du costume de la gestion gouvernementale et de l’ (auto)illusion qu’elle peut sauver le peuple dans l’Euro et l’UE, sans affrontement avec le capitalisme. De l’autre côté le KKE est piégé par son absence de stratégie et de tactique révolutionnaire et est incapable de contribuer à l’urgentissime mouvement unitaire de renversement du système.

ANTARSYA reste debout, est dans toutes les luttes, émet le signal qu’il peut y avoir une autre gauche, combattive et frontale, avec un programme d’urgence de lutte anticapitaliste, et un profil global anticapitaliste, révolutionnaire et communiste moderne. Elle n’est bien entendu devenue ni la « 13ème composante de Syriza », ni un « petit KKE », comme le « prévoyaient » nos impitoyables amis, ni n’a été victime de la mortalité infantile politique. Pourtant, nous ne pourrons pas regarder le monde de façon critique et révolutionnaire, si nous ne nous regardons pas nous-mêmes de la même façon. Si nous ne remarquons pas que dans la dernière période, du fait des contradictions stratégiques et des insuffisances sociales d’ANTARSYA elle-même, et sous la double pression de l’attaque frontale du système et d’une certaine pause du mouvement d’un côté et de la montée du réformisme et du cours clairement gestionnaire de Syriza de l’autre, l’action de la gauche anticapitaliste s’essouffle, elle peine à se frayer un chemin. Une perplexité collective se développe, ainsi que des tactiques diverses chez les organisations politiques qui participent au front, d’une façon qui ne s’additionne pas mais s’annule.

Tout cela peut et doit être surmonté. Il ne s’agit pas seulement du fait que le potentiel anticapitaliste et radical de la gauche et du mouvement reste vivant et combatif et que souvent il se renforce (comme l’ont aussi démontré les élections dans une série de syndicats), ni du fait que les exigences et les divergences à gauche dans de plus larges pans de Syriza et du KKE progressent. Il s’agit bien plus du fait que « contrairement à la rhétorique de la stabilisation, l’évolution de la situation politique et sociale en Grèce conduit objectivement à l’épreuve de force, qui soit conduira à une restructuration générale et réactionnaire du capitalisme grec, soit alimentera une dynamique de renversement anticapitaliste, avec une dynamique d’entrée dans une situation révolutionnaire. C’est pour cela que vient sur le devant de la scène l’impérieuse nécessité de la formalisation et de la diffusion d’un autre projet, au contenu révolutionnaire pour la société, et en même temps, le besoin de constitution d’une large avant-garde à tous les niveaux du sujet (parti, front, mouvement) », comme le pointait récemment le BP du NAR.

Dans une période d’intenses processus politiques et de préparation aux prochaines tempêtes, comme celle que nous vivons aujourd’hui, ANTARSYA peut et doit agir de façon résolue. Pour ce faire il faut que s’ouvre immédiatement le processus démocratique de la 2ème Conférence Panhellénique d’ANTARSYA (qui a été retardée), de façon à ce que tous les membres et sympathisants d’ANTARSYA, en particulier ceux qui ne sont pas membres des organisations du front, se prononcent sur sa politique. Quelques questions cruciales se font jour :

Premièrement, le caractère anticapitaliste du front et la nécessité d’un programme de lutte et de renversement du système. En 2009, un peu après le déclenchement de la crise de nature historique du capitalisme, ANTARSYA par sa fondation résumait une stratégie anticapitaliste. En 2010, avec le programme de lutte anticapitaliste (annulation de la dette, sortie de l’euro et de l’UE, nationalisation des banques et des entreprises d’importance stratégique, augmentation des salaires/attaque des profits, contrôle ouvrier ect.) elle a politisé le mouvement de masse et a agi comme un catalyseur dans la discussion de toute la gauche. Où en serions-nous si ANTARSYA avait refusé d’adopter ce programme, sous prétexte qu’il n’existait pas d’autres forces dans la gauche avec lesquelles s’allier sur ces bases ? Heureusement nous avons agi autrement. Nous avons recherché le programme nécessaire au renversement de la stratégie de la bourgeoisie, pour que le peuple puisse respirer, pour lier sa lutte au dépassement du capitalisme. Nous avons dit que ce programme ne doit pas être seulement celui d’ANTARSYA, mais de toute la gauche. Si cela a eu lieu en 2009 et 2010, maintenant que la crise du capitalisme s’approfondit et se recycle, que l’UE mène le monde du travail à Dachau, que la Grèce se transforme en Zone Economique Spéciale de surexploitation et de pillage des individus et de la nature, même si ANTARSYA n’existait pas il faudrait la créer. Il est clair que le front politique global ne peut qu’être anticapitaliste. Quelques réponses anti-néolibérales, anti-mémorandums, anti-monopolistes, démocratiques ou étroitement anti-euro ne peuvent suffire. Quand Obama ampute radicalement les dépenses publiques, quand Hollande fait passer une loi de flexibilisation radicale des relations de travail (soi-disant pour lutter contre le chômage, comme on dit aussi ici) on ne peut chercher d’issue dans une autre gestion du système. Le programme et le front anticapitaliste exprime et unit la lutte contre l’UE et les organisations impérialistes, la revendication de démocratie, la souveraineté populaire et la libération des chaînes des mémorandums et de la surveillance. Les « cinq points » d’ANTARSYA ne suffisent plus. Ils doivent être développés et être liés tant aux revendications politiques pour les droits économiques, sociaux et démocratiques des travailleurs pour la survie et la vie décente, qu’à la question du « jour suivant », la possiblité socialiste – communiste de notre époque.

Deuxièmement, sur la question de la réponse politique globale et le problème du pouvoir, il faut travailler bien davantage. La gauche anticapitaliste n’a pas su répondre à l’élévation des enjeux politiques. Il est évident qu’aujourd’hui une force de protestation n’est pas suffisante (comme dans les années 90). Ceci ne signifie pas pour autant qu’ANTARSYA doive suivre les sentiers battus de la gestion parlementaire, soit sous la forme des diverses propositions gouvernementales, soit sous la forme d’une force mouvementiste « extraparlementaire » qui fonctionnera finalement comme une béquille d’un courant de gestion gouvernementale. En principe, toute discussion au sujet de la réponse politique doit commencer par la question du renversement du système, c’est-à-dire à partir de « qui dans la file va attraper la queue du chat », c’est-à-dire qui et comment renverser la politique réactionnaire, le gouvernement qui la met en œuvre et le système qui le soutient.
Logique du fruit mûr et recherche d’alliance avec la classe bourgeoise et l’impérialisme pour obtenir leur bénédiction, ou mouvement politique ouvrier et front du renversement du système ? A partir de là, une réponse révolutionnaire innovante à la question du pouvoir doit rechercher les voies modernes centrées sur la nécessité que la classe ouvrière se constitue en classe pour elle-même, y compris dans les alliances sociales et politiques, dans la création des organes de lutte et d’imposition de la volonté populaire, tendant à les mettre en avant comme réseau de contre-pouvoir, et bien sûr dans la rupture révolutionnaire pour renverser le pouvoir bourgeois. Pas simplement comme un travail en un acte, ni comme un processus graduel, mais avec des tournants, pour le pouvoir et le gouvernement des travailleurs d’un nouveau type.

Troisièmement, ANTARSYA doit mettre en avant de façon beaucoup plus importante la nécessité de la reconstruction de classe du mouvement ouvrier. Les luttes puissantes de ces trois dernières années ne peuvent pas nous dissimuler l’impuissance finalement déterminante du vieux mouvement à se confronter victorieusement à l’adversaire surarmé. ANTARSYA, avec les courants d’avant-garde des luttes ouvrières qui émergent, doit incarner concrètement la tendance de rupture avec le syndicalisme subordonné et embourgeoisé et contribuer à la création d’autres centres de lutte, tout en recherchant l’action commune avec les autres forces de masses de la gauche.

Quatrièmement, ANTARSYA doit lever haut le drapeau pour une autre gauche, radicale et anticapitaliste, se reconnaissant elle-même comme une étape pleine d’espoir, mais pas la fin du chemin pour le nécessaire pôle anticapitaliste. Aujourd’hui des forces se déplacent, à la base mais aussi dans les « sommets », qui recherchent un positionnement de gauche combatif, qui divergent dans la pratique avec SYRIZA et le KKE, elles s’approchent de leur propre façon des critiques politiques pointues, elles bougent à l’encontre des lignes de démarcation de base (comme la logique de l’Euro-seule-voie). ANTARSYA, dans le processus démocratique de sa Conférence, doit rechercher les voies pour une politique de rassemblement unitaire et de collaboration avec ces forces.
Cela ne correspond à aucune dévaluation ou snobisme, aucune fermeture dans une approche instrumentale d’ANTARSYA elle-même de la part d’un quelconque parti « Elu ». Mais dans le même temps, la tactique unitaire d’ANTARSYA ne peut se situer que du point de vue de la promotion du front anticapitaliste, et évidemment pas de la dégradation d’ANTARSYA, de son remplacement ou de sa dissolution dans un quelconque autre front, « radical » ou « anti-euro », soi-disant plus large, en réalité fragile.

Cinquièmement, la 2ème Conférence Panhellénique et la période qui y mène doit donner le coup d’envoi et les trouver les voies appropriées pour une ANTARSYA ouvrière, de masse, démocratique, créatrice, panhellénique. Pas seulement ses membres, mais aussi ses assemblées, avec l’intégration et la contribution de milliers de nouveaux militants. C’est l’heure d’avancer résolument en avant. Car la lutte et l’unité c’est comme la bicyclette : quand elle ne roule pas elle tombe.

Yannis Elafros, journal PRIN, 10/03/2013